A l’époque où Internet est entré dans nos vies (souvenez-vous… c’était au détour des années 2000), la nourriture était certainement « le » produit qu’on imaginait le moins acheter un jour en ligne.

Trop fraîche, trop complexe à emballer et à acheminer, trop compliquée à choisir sans voir, sentir ou toucher : trop « charnelle » tout simplement (la nourriture est sans doute ce que nous achetons de plus physique). Les obstacles semblaient nombreux. Et puis, il n’y avait pas vraiment d’irritant à gommer : nous avions déjà tous à portée de main un supermarché et/ou des commerces de bouche.

Trente ans plus tard, la donne a complètement changé. Les attentes des consommateurs se sont diversifiées et affinées. Il ne s’agit plus seulement de manger, mais de bien manger, de protéger la planète, de consommer local, d’acheter éthique, de respecter les saisons, de soutenir le bio…

La grande distribution et l’agroalimentaire ont investi progressivement le modèle Marketplace, particulièrement opportun lorsqu’il s’agit d’encourager une consommation plus responsable. Et de nombreux Pure Players continuent aujourd’hui de se positionner sur des demandes en pleine explosion : acheter en vrac, limiter les déchets…

1. Flash-back : une montée en flèche
La Fevad l’a annoncé ce jeudi 19 mai par la voix de Marc Lolivier, son délégué général : faire ses courses en ligne entre dans la norme. « Avec la crise sanitaire, de nombreux consommateurs français ont découvert l’e-commerce alimentaire en 2020 et lui sont restés fidèles en 2021. La progression des ventes de produits de grande consommation a été spectaculaire avec une croissance de 58% en trois ans. Après l’essor du drive, la livraison à domicile tend à s’imposer ».

Dans l’histoire d’un marché, il y a toujours des étapes qui font figure de symboles. L’histoire de l’alimentaire en ligne passe sans doute par le rachat de Whole Foods par Amazon en 2017, qui a « officialisé » le boom de l’e-commerce dans un secteur jusque-là très peu digitalisé.

Deux ans plus tôt, en France, Auchan était le premier à ouvrir une marketplace. Une démarche très innovante en 2015, qui misait sur deux catégories pour commencer : jardin et alimentaire, avant d’élargir progressivement l’offre.

Carrefour a ensuite proposé sa marketplace alimentaire élargie, qui valorise des offres locales non disponibles au niveau national.

Des marketplaces alimentaires spécialisées ont vu le jour, comme Les Grappes (achat de vin directement au vigneron) ou côté BtoB, les Grands Moulins de Paris (farine pour l’Île-de-France).

En BtoB toujours, Métro, premier fournisseur de la restauration indépendante, a ouvert lui aussi sa marketplace en 2019. La marque annonce aujourd’hui plus de 250 marchands et fournisseurs, pour plus de 160 000 produits alimentaires disponibles en ligne - et a lancé un programme «Mon restaurant passe au durable» pour accompagner les restaurateurs dans leur transition écologique.

2. Le virage : consommer autrement
Acheter bio. Acheter local. Acheter éthique. Les exigences des consommateurs se sont nettement précisées, mais elles convergent souvent vers le même objectif : acheter mieux.

Bien sûr d’autres tendances émergent en parallèle, nettement moins vertueuses, voire contradictoires : comme le Quick Commerce (la livraison de courses en moins de 15 minutes : Getir, Flink, etc.) et le boom des agrégateurs (Deliveroo, Uber Eats), que l’on accuse d’être créateurs d’emplois précaires, mal rémunérés, voire dangereux.

On peut espérer cependant que le choix des acheteurs penchera finalement vers la responsabilité.

Du point de vue des distributeurs, le maître-mot reste l’adaptabilité. Être capable de réagir vite à ces mouvements de fond et de proposer une offre adaptée.

Le modèle Marketplace permet à tout un chacun d’agréger une offre et une demande, de jeter des passerelles entre deux communautés : celle des producteurs bio par exemple et celle des consommateurs convaincus par ce label.

C’est ainsi que Kazidomi, GreenWeez ou encore La Fourche ont vu le jour.

Même élan dans le monde BtoB, avec des initiatives comme celle de L’Aventure Bio, un grossiste spécialisé.


D’autres acteurs jouent la carte locale, comme « La Ruche qui dit oui », une entreprise née en 2011 (si vous cherchez des précurseurs, ceux-là ne sont pas mal placés !) et qui compte désormais plus de 700 Ruches en France, chacun d’entre elles servant de point de distribution à des producteurs situés dans un rayon de 60 km.

Dans la même veine, « Pour de bon » compte 500 producteurs et artisans parmi ses marchands et propose aux internautes de faire leurs courses « comme au marché », mais en ligne.

3. L’avenir : réduire nos déchets, minimiser le gaspillage

C’est un enjeu de développement durable important, appuyé par la réglementation et notamment la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire) : il est urgent de réduire nos déchets et - ce qui va de pair - de cesser de détruire des invendus encore parfaitement comestibles.

Les secteurs de la distribution alimentaire et de la restauration collective (supermarchés, cantines…) doivent d’ici 2025 réduire le gaspillage alimentaire de 50% par rapport au niveau de 2015. Même chose, d’ici 2030, pour les producteurs et transformateurs de denrées alimentaires ainsi que la restauration commerciale.

Pour les distributeurs, le recours aux marketplaces d’économie circulaire représente une solution rapide et efficace à la problématique d’écoulement des stocks.

WeBulk, « la première place de marché vrac et zéro déchet entre professionnels », fondée en 2020, affiche des ambitions élevées. Avec un credo séduisant : le commerce 3 x 0. « Zéro emballage jetable, zéro km inutile, zéro gaspillage alimentaire ».

Un positionnement malin et complètement dans l’air du temps. D’autres succès récents comme ceux de Too Good to Go, HorsNormes ou Phénix, indiquent clairement la voie à suivre. Et avec des marketplaces comme CStick (vente de produits à DLC courte) ou Organix (restes de sandwiches, viande animale…), le BtoB n’est certes pas… en reste !

En terminant sur ce jeu de mot, nous vous invitons à garder un œil attentif sur ce mariage entre alimentaire et digital, improbable il y a seulement quelques années et qui s’impose aujourd’hui comme une évidence.