ARTICLE 3 / 5 : Que doit maîtriser l’opérateur pour faire de sa Marketplace un succès ?
Avant de traiter des activités clés que l’opérateur doit maîtriser, revenons sur un rapide historique.
Les 3 générations de Marketplaces
Les grands noms du B2C tels que Ebay puis Amazon forment la première génération de Marketplaces apparues à la fin des 90’s et début 2000’s en garantissant une promesse initiale simple : richesse de l’offre et confiance côté client, trafic côté partenaire. Ce sont plutôt des Marketplaces généralistes, issues d’une activité e-commerce historique, constituant leur principal actif.
La deuxième génération de Marketplaces, B2C toujours, est verticalisée, c’est-à-dire qu’elle évolue sur un marché particulier en provoquant parfois une disruption majeure : Airbnb pour l’hébergement, Booking pour l’hôtellerie, Uber pour le transport, etc. La proposition de valeur, plus difficile à construire, repose sur la capacité de l’opérateur à composer son réseau de partenaires pour honorer la promesse client.
Aujourd’hui, la troisième génération que nous voyons apparaître est tirée par les besoins et les usages B2B. D’abord, à l’instar du lancement d’Amazon Business, les Marketplaces généralistes leaders étendent leur modèle B2C et s’ouvrent aux clients « entreprises ». Mais la mutation vers la Marketplace B2B est plus profonde et plus complexe. D’une part, l’opérateur adresse souvent une cible client étroite face à laquelle il faut occuper une posture de spécialiste, voire de multi-spécialiste. D’autre part, il doit satisfaire les exigences de la relation B2B : conditions commerciales personnalisées selon les clients, gestion du poste client, options de logistiques complexes, etc. Cette génération de Marketplace est plus verticalisée et fédère un écosystème de spécialistes.
Créer sa Marketplace : les activités clés qu’un opérateur doit maîtriser
L’opérateur vise un objectif stratégique : fédérer et mettre sous contrôle un écosystème business.
Pour l’atteindre, il doit maîtriser 4 fondamentaux pour constituer sa proposition de valeur :
Valoriser des actifs qui lui sont propres : bon positionnement sur la chaîne de valeur, expertise et notoriété.
Ces actifs lui permettront d’ asseoir une proposition de valeur qu’il décline en une promesse « client » d’une part et une promesse « partenaire » d’autre part.
Construire une offre de produits et services équilibrée pour attirer un trafic durable et pour établir de la récurrence d’achats, notamment grâce au phénomène de la « long tail » : un grand nombre de références fournissent une grande part de CA et un grand nombre de mots clés, pour un meilleur référencement et donc un plus fort trafic.
Connaître l’écosystème de l’ensemble de sa chaîne de valeur du secteur et maîtriser qui sont les clients, les fabricants, les distributeurs, les prestataires et partenaires
Ce n’est que par sa proposition de valeur, par la qualité de sa promesse et sa capacité à l’honorer, que l’opérateur prendra durablement le leadership sur son marché et se préservera de tout risque de désintermédiation. Evidemment, cette maîtrise permettra aussi de développer son volume d’affaires.
Il est également important de connaître les 4 fondamentaux pour une responsabilité juridique complète :
Bien définir le modèle juridique et la responsabilité liée aux contenus présents sur la Marketplace. Par exemple, il est important de distinguer la responsabilité de l’hébergeur, qui doit réagir promptement à une notification de contenu illicite, de celle de l’éditeur, qui assure le contrôle des contenus avec les marchands. De même, il est nécessaire de cadrer la responsabilité des transactions, car l’opérateur a comme rôle principal de mettre en relation acheteurs et vendeurs, tout en s’assurant de la licéité des produits vendus.
Réaliser une architecture contractuelle solide, généralement autour de 3 contrats, ci-dessous représentés par les liens fléchés :
Limiter l’implication dans le contrat sous-jacent pour éviter d’être tenu responsable de l’activité des marchands. En cas de litige, par exemple, lié à la mise en vente d’un produit ou d’un service illégal sur la plateforme, il faut faire en sorte de ne pas être tenu responsable.
Encadrer les flux monétaires et de données, soit grâce à un agrément bancaire, soit en bénéficiant de l’agrément d’une personne tierce (PSP, Prestataire de Service de Paiement).
Les points de vigilance avant de sauter le pas
L’objectif est de structurer et de dimensionner une organisation efficace pour opérer les processus non externalisés et piloter les autres. Il s’agit des moyens humains disponibles et formés ainsi que des processus intégrés pour garantir le bon fonctionnement des nouvelles activités d’opérateur de Marketplace.
L’application du business modèle
Afin de donner des perspectives et d’avoir des convictions claires sur le projet à mener, il est important de valider le business modèle au préalable. Il convient alors de construire une feuille de route business pragmatique avec des approches itératives et progressives comme des MVP (Minimum Viable Product). Ce business modèle doit être validé au plus haut niveau de gouvernance de la société (COMEX), car l’échec de nombreux projets est dû à un manque d’alignement entre les différentes directions.
Le Business Plan doit être réaliste et son prévisionnel mesuré les 2 premières années. Des Marketplaces extrêmement connues comme Doctolib ou ManoMano ont décollé après quelques années de vie.
Dans un premier temps, lors du lancement de la plateforme, ce MVP constitue la V1 et réunit les fonctionnalités prioritaires du projet. Ensuite, il permet de valider sa viabilité ou sa rentabilité. Peu à peu, l’opérateur gagne la maturité nécessaire pour faire évoluer ou adapter sa proposition de valeur. Il peut choisir de l’optimiser avec de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux fournisseurs, de nouveaux services, de nouvelles options, de nouveaux marchés, de nouvelles zones géographiques…
Cette méthodologie assure aussi une meilleure gestion du budget, injectant les investissements progressivement et garantissant les financements suffisants avant d’avoir ses propres sources de revenus.
Le design de la plateforme se doit de retranscrire au mieux cette proposition de valeur, de façon à proposer une expérience client sans interruption tout le long du parcours d’achat. Un double enjeu donc pour l’opérateur de la Marketplace : faire vivre son site en créant deux expériences utilisateurs distinctes, pour l’acheteur final et le vendeur.
L’équipe de la Marketplace
Une équipe dédiée réunissant les bonnes compétences requises pour gérer la Marketplace est cruciale au quotidien. Voici un exemple de sa composition :
- Account Management : pour gérer les fournisseurs existants.
- Ressources Marketing : pour faire gagner en notoriété la Marketplace à travers du SEO, les des réseaux sociaux, de l’affiliation, de l’automatisation et de l’Inbound marketing.
- Business Development : recruter les vendeurs sur votre plateforme.
- Relation client : support clients et vendeurs ; aussi en charge du suivi qualité / produits.
Un plan de communication et marketing
L’effort marketing doit être double : convaincre des offreurs de vendre sur la Marketplace, mais aussi des acheteurs de venir y acheter (avantages, éléments de différenciation…)
L’opérateur a nécessairement besoin de soigner la qualité de sa communication en amont du lancement et tout le long du projet.
L'équilibre critique entre les vendeurs et les acheteurs
Le plus compliqué lorsqu’on est une Marketplace, c’est d’ajuster le curseur entre investissements pour faire venir des internautes sur votre site et la rentabilité. L’objectif sera ainsi d’avoir un CPA (coût d’acquisition) le plus faible possible ainsi qu’une politique de fidélisation efficace.
L'un des enjeux majeurs est le juste milieu entre les vendeurs et les acheteurs : sans vendeur pas d'acheteur et vice-versa. Le rôle de business developer prend tout son sens, il attire les bons acteurs.
Les principaux marchands identifiés (si possible ayant des offres complémentaires) doivent être présents dès le lancement de la Marketplace.
Les clés de succès d’un projet Marketplace
Proposition de valeur
La plateforme doit répondre à un besoin et apporter une plus-value aux solutions existantes, tant pour les acheteurs que pour les vendeurs.
Son lancement doit laisser entrevoir des quick-win, business rapides pour séduire les sponsors du projet, les investisseurs, les marchands et les acheteurs.
L’expérience utilisateur est réussie lorsqu’elle est « simple, fiable et rapide ». La page de résultat d’une recherche doit proposer une vraie recommandation pour améliorer le taux de conversion.
GO live rapide
Une fois le business plan élaboré et le projet acté, le lancement de la Marketplace doit se faire rapidement. Des solutions SaaS du marché permettent un time-to-market en moins de 6 mois.
Collaboration étroite entre l’opérateur et ses partenaires technologiques experts
La plateforme est rendue performante et possiblement évolutive grâce à un réseau d’experts capable de s’intégrer et de s’interconnecter. Ils offrent une plateforme robuste avec une expérience client réussie et des possibilités d’évolution. Il faut donc s’assurer que les différents partenaires proposent des solutions modulables, personnalisables et scalables.
Rôle de l'opérateur : le tiers de confiance
Comme abordé précédemment, l’opérateur doit répondre à sa mission principale : être un tiers de confiance et fournir un cadre stable. Comme il engage son image, il s’applique à présélectionner les vendeurs ( onboarding) présents sur son site dont il s’assure du respect des règles de conformité qu’il a fixées. C’est un gage de qualité de service pour les acheteurs.
Onboarding des vendeurs
Du côté de l’opérateur, c’est une opération anticipée de prospection et de séduction. L’onboarding est un travail chronophage. Il s’agit de convaincre les marchands, puis de les intégrer au SI, de les former et les accompagner régulièrement.
Le vendeur attend de l’onboarding qu’il soit simple, relativement rapide, car il exerce déjà des activités parallèles. Qu’il s’agisse d’une TPE/PME ou d’un grand compte, la Marketplace est à-même de fournir des systèmes de mapping pour permettre l'import des catalogues à partir de différentes sources (fichier excel, url externe, call API...).
Conduite du changement
La mise en place d’une plateforme dans une entreprise déjà existante implique une conduite du changement non négligeable.
La réussite du projet est marquée par le changement de culture d’entreprise passant de la gestion d’un centre de coûts à un centre de profit, mettant la qualité de l’expérience utilisateur et client au cœur des préoccupations.
Par ailleurs, si l’équipe en charge de la plateforme s’assure correctement que la demande rencontre l’offre et gagne en productivité, c’est que le changement d’organisation est réussi.
Monitoring quotidien des flux
L’opérateur de Marketplace est un pourvoyeur de flux. Il doit tous les surveiller, de façon à ce que tout le cycle de vente soit fluide : pas de blocage de commande ou un paiement non arrivé chez un marchand...
Les indicateurs de flux à suivre sont :
- Finance : les revenus de l’opérateur, les recettes perçues par les partenaires et l’amortissement des investissements
- Volume d’affaire : pilotage commercial et analyse de l’activité business avec focus sur les offres, les marchands et les clients
- Qualité de service : amélioration continue des processus et de la plateforme
- Satisfaction : pilotage de la double promesse pour les clients et les marchands
Monitoring des KPI
Pour quantifier la réussite de la Marketplace, des indicateurs peuvent être analysés tels que :
- Trafic
- Volume d’offres disponibles
- Nombre de commandes enregistrées
- GMV (Gross Merchandise Volume) : volume d’affaires ou chiffre d’affaires
- Valeur du panier moyen
- Nombre de vendeurs et d’acheteurs
Le cadrage et le lancement de la Marketplace sont capitaux pour sa réussite future. Aujourd’hui, un ensemble de partenaires composent la galaxie des Marketplaces et favorisent leur démocratisation. Ces différentes parties-prenantes spécialisées s’organisent pour accompagner le futur opérateur sur le plan conseil, sur le plan technologique et sur les particularités métiers, de façon à le laisser se focaliser sur l’élaboration de son business modèle. Le prochain article précisera ce réseau de partenaires et abordera des exemples de modèles économiques mis en place.